Solomon Bibo , chef amerindien et juif
Bibo fut l’un de ces personnages dont l’histoire démontre, une fois de plus, l’étonnante diversité du peuple juif. Solidaire avec le peuple des Indiens d’Amérique dont le destin lui rappelle étrangement celui de son propre peuple, il est le seul, parmi ses pairs, à être désigné gouverneur dans un village amérindien, l’équivalent d’un chef de tribu.
Il consacra toute son énergie à la défense des Indiens Acomas dans leur lutte juridique pour la récupération des territoires dont ils avaient été injustement dépossédés. Il arriva à Pueblo Acoma en 1882, apprit le keresan, la langue des Acomas, et développa, avec ces Indiens, des relations privilégiées basées sur la confiance mutuelle. Deux ans plus tard, Bibo obtint des natifs qu’ils lui louent la totalité de leurs terres pendant trente ans, en échange d’une compensation financière, de la protection de leur troupeau et de 10% des recettes issues de leur mine de charbon. Il monopolisa, ainsi, une grande partie de l’économie des Acomas.
En 1885, Solomon épousa une femme Acoma, Juana Valle, la petite-fille du gouverneur du village . Elle se convertit néanmoins au judaïsme pratiqué par son mari et éleva ses enfants selon la tradition juive. Généralement, le peuple Acoma n’était pas favorable aux mariages avec des Blancs. Bibo, toutefois, était si bien considéré que son union avec Juana reçut l’approbation totale des villageois. Une cérémonie selon les rites propres à la communauté fut même organisée pour célébrer l’heureux évènement.
La même année, cet étranger fut élu gouverneur d’Acamo par les habitants du village. Son but etait de disposer d’un porte-parole qui pourrait s’exprimer au nom des Amérindiens et les représenter au Gouvernement. Etant donné qu’il occupa ce poste à quatre reprises, pendant treize longues années, on peut imaginer que Solomon Bibo remplit son rôle à merveille.
En 1898, toutefois, désireux d’offrir à leurs deux enfants une éducation juive, Solomon et Juana partirent s’installer à San Francisco où ils ouvrirent un magasin de nourriture de luxe et investirent dans l’immobilier. C’est là qu’ils vécurent jusqu’à la fin de leur vie.
Solomon mourut en 1934, suivi de sa femme, sept ans plus tard. Ainsi s’achèva le destin de ce Juif peu commun qui avait appris, au cours de vie, pas moins de six langues : celles des Acomas, des Navajos et des Laguna, le yiddish, l’espagnol, l’anglais et, bien sûr, sa langue maternelle, l’allemand