Photo de Jean Pierre Foucault

Les racines juives de Jean Pierre Foucault

Figure incontournable de la télévision française , Jean Pierre Foucault s’est très vite imposé comme un animateur et journaliste de haut niveau , recruté ainsi par les plus grandes chaines du pays. Cependant , très peu de personnes connaissent le lourd passé et l’histoire extraordinaire de ce personnage. Voici un extrait d’un interview de Jean Pierre Foucault ,  où il revient sur son histoire et ses racines juives.

 » Ce n’est que très tardivement que j’ai appris mes origines et encore plus tard, au début des années 2000, que ma mère, âgée de plus de 80 ans, s’est mise à raconter son histoire et celle de sa famille.

Mes sœurs et moi avons grandi à Marseille dans la religion catholique, et notre mère insistait beaucoup pour que nous ne rations ni une messe, ni un cours de catéchisme. De son côté, nous n’avions ni grands-parents, ni oncles et tantes, ni cousins. Elle nous répondait juste, de façon évasive, qu’ils étaient morts pendant la guerre. Elle éludait toujours et nous n’insistions pas. Nous sentions que nous lui faisions de la peine en abordant la question.

Nous avons découvert sa judéité petit à petit. Jusqu’au jour où ma propre fille, devenue adulte à son tour, lui a dit: «Raconte-nous!» Elle a alors accepté de publier son histoire dans un petit livre à compte d’auteur. La dame qui a rédigé ce fascicule m’a d’ailleurs confié: «C’est incroyable, quand votre mère évoquait sa religion, elle baissait la voix.» Les huit frères et sœurs de ma mère, ainsi que ses parents, avaient été exterminés à Auschwitz. Elle n’en avait jamais parlé.

En fait, ma mère, Paula, était née en 1916 à Mogelnica, en Pologne, où ses parents tenaient une boulangerie-pâtisserie. Elle était la troisième d’une famille juive traditionnelle de neuf enfants. En 1938, elle décide d’aller rejoindre en Belgique sa sœur aînée, Anna, qui tient là-bas un petit supermarché de produits frais avec son mari. Lorsque les Allemands arrivent en Belgique, Anna et sa famille choisissent de se réfugier en France, dans un tout petit village de Haute-Savoie, Aiguebelle-le-Lac. Ma mère refuse de les accompagner. Elle dit que c’est une bêtise, qu’ils vont se faire repérer. Comme elle a eu raison!

Un matin, les Allemands sont arrivés dans la petite pension de famille et ont raflé Anna. Par miracle, ils ont laissé les deux enfants, Paulette, 9 ans, et Maurice, 5 ans. Ma mère, elle, avait décidé de se rendre à Marseille et d’y prendre un bateau pour l’Argentine. Elle n’avait qu’un contact, un certain monsieur Falek, importateur de fruits et légumes, qui devait lui trouver une place sur un bateau. C’est grâce à lui qu’elle a rencontré celui qui allait devenir son sauveur et son mari. Mon père, Marcel Foucault. Marcel Foucault qui, durant toute la guerre, a pris des risques énormes pour sauver des juifs, leur fournissant de faux papiers, faisant son possible pour leur trouver des logements, mettant sans cesse sa vie en péril pour sauver la leur.

A ma mère, qui avait pourtant un accent polonais à couper au couteau, il avait fait établir une carte d’identité au nom de Paulette Lefèvre, née à Brive-la-Gaillarde! Mon père a non seulement sauvé ma mère, mais également ses deux petits neveux orphelins, Maurice et Paulette, qu’il a fait revenir de Haute-Savoie, prévenu par la propriétaire de la pension, Madame Patate.

Ils sont arrivés pied nus à Marseille. Pour les protéger, mon père les a immédiatement fait baptiser. Il parait que chaque jour, Maurice s’accrochait à la grille du jardin du logement que papa lui avait trouvé, en fixant intensément les tramways. «Mais que regardes tu comme cela?» lui avait demandé sa logeuse. «J’attends ma mère», avait répondu Maurice.

Trente ans plus tard, Maurice a tenu à retourner dans la pension d’Aiguebelle-le-Lac, pour remercier Madame Patate qui lui avait sauvé la vie en prévenant mon père. Elle lui a dit: «Maurice, je t’attendais. Je voulais revoir mes enfants avant de mourir.» Elle est décédée vingt-quatre heures plus tard.

Si nous avons été élevés dans la religion catholique, je pense que c’était avant tout, pour mon père, une façon de rassurer ma mère. Ils avaient peur que le mal revienne. C’était une sorte de protection. Mon père non plus ne parlait jamais de ce qu’il avait fait pendant la guerre. Je crois qu’il trouvait cela tout a fait normal. Il ne se considérait pas comme un héros. La médaille des Justes, remise aux personnes non juives qui ont sauvé des juifs au péril de leur vie, lui a été décernée à titre posthume le 12 octobre 2009 par l’Institut Yad Vashem de Jérusalem. Ma mère, Paula, s’était éteinte exactement un an avant, le 12 octobre 2008, à l’âge de 92 ans.   »

Par Noam Mosseri – Juifs célèbres © Tous droits réservés