Tottenham, le club de foot « juif » qui en est fier

Tottenham est souvent considéré par les supporters des autres clubs anglais comme un « club juif »: une identité que les fans des « Spurs » ont embrassé pour tourner les insultes antisémites en ridicule.

« Bien qu’il n’y ait aucun lien formel avec le judaïsme, Tottenham est considéré comme un club « juif », explique la sociologue du sport Emma Poulton, auteur de plusieurs études sur l’antisémitisme dans le football.

Selon la chercheuse, cette perception viendrait du fait que des nombreux fans (9,97% des abonnés selon un sondage réalisé en 2014) de Tottenham, propriété de l’homme d’affaires Daniel Levy depuis 2001, sont issus des communautés juives installées dans le nord de Londres.

Adrian Dennis (AFP/File)
Le dirigeant de Tottenham, l’homme d’affaires britannique Daniel Levy 

Beaucoup de ces familles, qui ont fui les persécutions en Russie et en Europe dans les années 1900 puis 1930 et 1940, ont élu domicile à Stamford Hill, non loin de White Hart Lane.

« Tottenham a aussi une histoire de joueurs juifs, d’entraîneurs juifs et surtout de propriétaires juifs. Les deux derniers présidents, ainsi que l’actuel sont juifs, ce qui a cimenté la perception d’un club juif », continue la chercheuse de l’université de Durham.

« Pour beaucoup de fans, être un « Yid » (terme anglais péjoratif pour désigner une personne de religion juive, NDLR) fait parti de leur identité », continue-t-elle.

Et les fans de Tottenham font l’objet d’insultes antisémites, particulièrement de la part des supporters « des rivaux londoniens de Chelsea, West Ham et Millwall ». Comme un pied de nez, dans les années 1970, « de nombreux supporters, juifs et non juifs, ont répondu en s’appropriant le terme de « Yid » comme marque de solidarité. »

Etoile de David

Depuis, de plus en plus de fans ont embrassé ces termes afin d’en atténuer la portée insultante, explique la sociologue. « C’est maintenant l’un des socles de la culture des fans de Tottenham », analyse l’universitaire. Dans les tribunes, il est courant de voir des supporters, qui s’auto-proclament la « Yid Army » de façon satirique, agiter des drapeaux avec l’étoile de David.

Si le terme « Yid » est considéré par beaucoup comme une insulte raciste, de nombreux fans des Spurs l’utilisent avec « fierté » ou comme une « marque d’affection » entre eux.

A l’automne 2013, le Premier ministre d’alors avait pourtant dû sonner la fin de la récréation face aux velléités de certains de condamner les propres supporteurs du club usant avec dérision du mot interdit.

« Il y a une différence entre des supporteurs des Spurs qui se qualifient eux-mêmes de +youpins+ et quelqu’un qui utilise ce terme pour insulter une tierce personne, avait ainsi tonné David Cameron dans une interview au Jewish Chronicle. Les discours haineux doivent être poursuivis mais seulement s’ils sont motivés par la haine ».

Reste que les incidents antisémites sont peu fréquents avec les fans d’Arsenal, généralement issus des mêmes bassins de population du Nord de Londres, note le Dr Poulton. « Mais, la saison passée, un petit groupe s’est filmé en train d’entonner des chansons antisémites et de se moquer de rituels juifs. »

Des faits rares, d’autant que, selon Martin Cloake, auteur d’un ouvrage sur l’histoire populaire de Tottenham, Arsenal a été le premier des deux clubs du Nord de Londres à souhaiter un « Joyeux Hanoucca » à ses supporteurs juifs.